Si son père ne lui avait pas appris la poésie, le chant et la danse, Margarita Carmen Dolores aurait sans doute trouvé un mari, fondé un foyer et élevé des enfants…mais le Music-Hall y aurait perdu Maria Dolores…
La première fois que j’ai rencontré Maria, elle était en train de danser le soir de ses noces avec son premier mari, James Crawley, un ancien camarade de classe, jeune professeur de tennis qu’elle quittera six mois plus tard. Elle avait alors 19 ans.
Les hommes qui l’ont aimée ont cru tenir dans leurs bras la Maria Dolores dont le cinéma avait créé une image et une légende, mais c’était une autre femme qu’ils découvraient…Dans ces conditions, comment cette femme – si femme – aurait elle pu être heureuse en amour ?
Elle était si fragile… A l’âge de six mois, elle fut consacrée « plus beau bébé de Madrid ». Elle tenait de sa mère, Carmen, andalouse depuis 12 générations, la grâce et l’amour des chansons sentimentales, mais elle n’hérita pas de ses talents de couturière…
De son père Eduardo, gardien de zoo et poète, elle gardera le souvenir d’un homme colossal et adorateur qui disparut trop tôt, un matin de Juillet, écrasé par une espèce en voie de disparition: un Ailuropoda melanoleuca plus généralement connu sous le nom de Panda géant.
Alors qu’il venait lui apporter son bambou quotidien, dans l’espace confiné de sa cage, l’animal s’adossa au mur pour déguster son repas, sans s’apercevoir qu’entre lui et ce mur, se trouvait… le gardien de zoo ! Il restera de cette mésaventure à la petite fille qu’elle était alors, un mélange de dégout et de fascination pour plantigrade bicolore, ainsi qu’une véritable aversion pour le noir et blanc. Dès lors, elle consacra un tiers de son existence à parcourir les zoos du monde entier à la recherche de son père, guettant le moment où le panda allait se retourner, persuadée alors que l’homme était peut être là, encore agrippé au dos de la bête ! Et un autre tiers à apprendre le langage de cet animal comme le fit Diane Fossey avec les gorilles des montagnes de Virunga au Rwanda.
Cet événement tragique, Maria le racontera plus tard – beaucoup plus tard – dans l’une de ses chansons les plus émouvantes : « Panda Maladroit »
Maria devint une adolescente rebelle et sauvageonne au point que si Marcel Pagnol avait croisé son chemin à cette époque, soyez certain qu’il aurait donné à Manon des Sources une chevelure couleur d’ébène.
Mais les ravages du Franquisme altérèrent le climat ibérique et dans la marée obscure et sanguinaire qui s’abattit sur la jeunesse, Jésus Christ devint son plus proche confident; dès qu’il faisait trop chaud, la jeune fille se réfugiait dans la fraîcheur des églises et chantait son rêve de liberté.
En 1950, encore adolescente, elle fuit avec sa mère ce régime sombre : L’Amérique leur tend les bras et elles s’installent chez une tante à New York. Hélas, les relations avec cette vieille femme prude et terre à terre devinrent très vite conflictuelles et Maria quitta l’appartement de Brooklyn avec perte et fracas.
La vie de Maria Dolores ressemble à ces contes de fées où de jeunes pauvresses rêvent de rencontrer le prince charmant au détour d’un fourré. Seulement, « le conte de fées s’arrête là où la vraie vie commence… » aime à dire notre Maria, ajoutant avec malice : « et en matière de fourré, je n’ai jamais eu la main verte ! »
Au tout début, elle dut poser comme modèle pour gagner sa vie, et c’est là,dans l’atelier Roy Seanberg, au 412 hammer Street, au coin de la 42ème rue et de la 7ème avenue, au coeur de la Big Apple, entre le Carnegie Hall et la station de métro qui inspira entre autre le magnifique « Take the A Train », écrit par Duke Ellington et Billy Strayhorn, non loin du « Flushing Meadow Colora Park » ou encore « Prospect Park », où se situe l’action de Parasite Eve, sorti en 1998 sur Playstation©, où le joueur incarne un policier du nom de Marcus Reed qui, après la mort de son collègue et ami, cherche une taupe dans l’unité anti-mafia; des graphismes à couper le souffle, une animation et une technologie au service d’une expérience émotionnelle palpitante, et un gameplay accessible grâce à des commandes et à une interface intuitives. L’action se situant en hiver, les décors sont enneigés…
Mais reprenons :
C’est donc là qu’elle rencontrera son premier prince, qui malheureusement pour lui, retournera dans son « fourré » 6 mois plus tard; il faut dire que « mis à part son revers de tennis, ce garçon était aussi ennuyeux qu’un verre d’eau » et puis, comme le dit souvent Maria : « on peut aimer toujours, mais pas tout le temps... »
Et que voyait on, à 2 pas, sous les fenêtres de l’atelier Roy Seaberg ? je vous le donne en mille : le Central Park Zoo , avec une vue imprenable sur la fosse du Panda Géant de Chine ! Encore une coïncidence ou juste un tour de passe-passe du destin ?
Puis un beau jour, la colombe dorée fut emmenée par le plus grand des hasards dans la capitale du cinéma : sa photo tomba par on ne sait quel détour dans les mains d’un « talent scout » de la MGM : Frank White.
Il fut d’abord frappé par son charme ibérique mais quand elle ouvrit sa bouche sensuelle et colorée, il fut épouvanté par son terrible accent, lui aussi ibérique….
Il hésita un peu – l’époque du cinéma muet était révolue – mais fasciné par son allure, il entreprit de lui faire donner des leçons d’élocutions et de maintien pour la dégrossir. Ainsi, quand elle fut enfin prête à passer des castings, il l’épousa. Une anecdote raconte que le jour de leur mariage, il lui offrit ce cadeau merveilleux dont la jeune femme rêvait en secret depuis son adolescence : nager avec des dauphins…
Maria m’a souvent parler de ce jour comme l’un des plus beaux de sa vie; on peut d’ailleurs voir sur la petite console de palissandre qui orne l’entrée de son appartement madrilène, une photo soigneusement encadrée, où on la distingue, vêtue d’une combinaison à rayures blanches et bleues, agrippée à l’aileron du mammifère marin, tous deux souriants comme s’ils se connaissaient depuis toujours.
Elle fit ses débuts dans une série langoureuse, ‘The Waterlilies of Love‘ (Les Nénuphars de l’Amour) et faillit incarner la jeune Scarlett O’Hara dans ‘Gone With the Wind‘ (Autant en emporte le vent). Las ! Ces yeux n’était pas assez bleus ! C’était en effet l’époque de la blondeur triomphante de Marilyn qui convoitait sournoisement son second mari…
Maria Dolores fit tout pour le garder. Elle alla même jusqu’à copier le style, l’allure, la coiffure et le maquillage de sa rivale… sans succès pour autant. Elle en conserva une certaine rancœur doublée d’une méfiance maladive envers les blondes.
On peut légitimement se demander si c’est le fait qu’elle naquit brune et non pas blonde qui la sauva du destin tragique de ces starlettes qui meurent d’un excès de somnifère ?
Puis, elle est engagée pour une super production à Broadway, la comédie musicale la plus chère de l’histoire, 70 millions de dollars, des effets spéciaux dignes des plus grands films hollywoodiens, un Mega-Show reprenant les 14 tableaux de la passion du Christ.
Maria y incarne la vierge Marie, un rôle qui lui semblait prédestiné…
La Dolores y investit tout son coeur et entame même une liaison amoureuse avec le héros du spectacle : Christopher Mc Bryan qui joue le rôle du Christ. Malheureusement, une malédiction semble frapper ce beau projet, il y eut certes 200 avant-premières, mais la Première officielle n’aura jamais lieu… Passons sur le fait que le Christ entretient en parallèle une liaison avec la chanteuse interprétant Marie-Madeleine…
Incidents techniques à répétition, démissions en pagaille, faillite… Finalement, Christopher fait une chute fatale de 7 mètres le soir de la 200ème avant-première pendant la scène de l’Ascension. Quant à Marie-Madeleine, elle reçoit un câble sur la tête provoquant une sévère commotion cérébrale. La comédie musicale est suspendue.
Blessée, trahie, la coccinelle andalouse tourne alors le dos au cinéma et à Broadway.
Elle revient à son premier amour : la chanson.
Celle que l’on nomme désormais « la Biche madrilène » chante sa douleur de femme abandonnée, sa vision des hommes, et livre sans pudeur le désir inassouvi des femmes.
Dans cet élan humaniste elle décide de partir chanter pour les G.I alors au combat au Vietnam. Elle profite de ce voyage pour se réconcilier avec la gente masculine. Un petit garçon, Augusto, arrivera 9 mois plus tard, de père inconnu, malheureusement…
Avec la guerre, les temps changent. Dans l’Amérique puritaine des années 60, la biche est surveillée de près, voire traquée parce qu’elle a la mauvaise idée de s’éprendre d’un jeune écrivain Français – surtout communiste- avec qui elle s’affiche en toute impunité dans tout Broadway.
Bientôt ses disques sont interdits à la radio et la télé. « Ce fut la période la plus malheureuse de mon existence, je me sentais comme un rat de laboratoire, mon emploi du temps disséqué en permanence » me confiait elle.
Puis, soupçonnée dans l’enquête sur la mort tragique de Monroe, de celle de Christopher Mc Bryan et de l’accident de Marie-Madeleine, elle décide de quitter New York avec son fils et de suivre dans sa fuite du Maccarthysme le jeune écrivain qui deviendra son troisième mari : « j’ai toujours épousé les hommes que j’ai aimé, même si cela ne durait que quelques mois…je suis très vieux jeu à bien des égards ! ».
Maria découvre la France et tombe en amour pour Paris; son mari réussit à lui faire prendre 6 kilos en fréquentant assidûment les bonnes tables des restaurants français.
C’est lors d’une balade en Méditerranée, que l’inspiration musicale revient au galop : ce jour là, un poulpe s’agrippe à la cheville de la jeune femme, la prenant sans doute pour un rocher, mais son mari la sauve de l’ignoble succion en cisaillant les tentacules avec ses dents; Maria compose alors la mélodie chaloupée de la « Chanson du Poulpe » qui hantera les ondes des Seventies.
Elle revient à la scène et qui mieux que Paris pouvait accueillir cette prêtresse déchaînée ?
On se bouscule pour venir la voir chanter dans les cabarets mythiques de l’époque. Et c’est lors d’un de ces galas qu’elle fait la rencontre d’un réalisateur italien, un homme taciturne sous ses lunettes fumées et qui fait beaucoup parler de lui: Pier Paolo.
Leur première entrevue semble glaciale; toutefois, Maria reçoit quotidiennement pendant les quatre mois suivants, une orchidée anonyme qui change de couleurs en fonction du climat.
« Il n’était pas beau, pourtant il possédait quelque chose que personne d’autre n’avait… »
Troisième divorce au palmarès de la biche mais quelle grande histoire allait débuter à partir de là !